Message de M.D. du 22.05.2020

Bonjour Tanguy,
 
Merci pour l’initiative. Une de plus. Je crois qu’au plus il y en a, au mieux ce sera.
 
Cela dit, je rêve d’une initiative fédérée qui évitera la dispersion d’énergies qui gagneraient selon moi à fonctionner d’un seul tenant.
 
Question, je me demande comment tu as fait pour obtenir mon adresse ?
 
Bien à toi,
M.
Réponse à M.D. du vendredi 22.05.2020
Bonjour M.,
 

Merci pour ton message et tes encouragements.

Nous cherchons nous aussi à fédérer et nous avons de belles réponses des associations, qui apparaissent presque plus nombreuses que les signataires de la pétition (quand on compte les coalitions). J’en déduis qu’elles sont demandeuses d’appui citoyen et que les Petites mains ne sont pas tout à fait inutiles.

Dans ce cadre, j’envoie des messages un peu tous azimuts pour voir où ça réagit, sentir ce qui se passe. Je tombe tantôt sur des blancs, tantôt sur de l’enthousiasme, parfois sur de la déprime et du découragement. Pas facile de faire un diagnostic de ce qui se passe, même dans des mouvements plus larges comme Kaya où n’apparaît pas clairement le degré de mobilisation, entre les figures de proue qui ont fait des groupes de travail thématiques et les employés/ouvriers des entreprises-partenaires qui ne savent même pas de quoi il retourne.

D’un autre côté, Associations21 déplore le manque de réponse du gouvernement provisoire à ses propositions de collaboration pour repenser les choses. Comment articuler tout cela ? Soutenir au mieux ?

Ceci dit, je ne sais pas comment j’ai eu ton adresse. De quelle(s) association(s) fais-tu partie ? Rejoindrait-elle les Petites mains ?

Cordialement,

Tanguy

Réponse de M.D. du 29.05.2020

Salut Tanguy,
 
Désolé pour la latence, j’ai été un peu débordé cette semaine.
 
Je crois que le constat est de plus en plus partagé. Comment s’organiser ensemble pour participer à la naissance d’une réalité autre sans chercher à tirer chacun la couverture de son côté ? Une réalité où chacun est pétri de bonnes intentions, mais fini pour ainsi dire systématiquement par reproduire les travers qui étaient dénoncés à la base. Travers qui peuvent se résumer par la fameuse stratégie du « diviser pour mieux régner ». 
 
Vu les derniers événements, j’envisage une voie radicale : l’objection de conscience et la désobéissance civile. Autrement dit, faire valoir mon désaccord et arrêter de vouloir parlementer avec des personnes qui ne semble pas disposée à collaborer constructivement. Quand notre première ministre par intérim dit que « tout ce qui n’est pas autorisé est interdit », bafouant de ce fait une des libertés fondamentales inscrite dans la DUDH (à savoir que tout ce qui n’est pas interdit est autorité), je crois que le signal est assez clair. Au niveau politique, pour l’instant je ne me vois que travailler en collaboration avec le niveau communal. Les niveaux supérieurs sont à mon sens totalement déconnectés des réalités de terrain. Ils prendront le train en marche ou bien resteront dans leur mouise. En attendant, je crois que c’est aux citoyens à se regrouper et à agir proactivement sans attendre d’un plan de sauvetage viennent les sauver.
 
Je fais partie de différentes associations, dont Coopains, Du Pain et Des Liens, le Réseau Transition, l’Arbre Qui Pousse. Dernièrement j’ai rejoint un autre projet, « Quartier Formidable« . Ceci dit je ne peux pas me prononcer quant à la volonté de chacune d’elle de rejoindre « les Petites Mains » tant que je n’aurai pas bien compris le sens de la démarche de cette initiative. Il existe déjà tellement de projet se voulant être des plateformes de changements, que je trouve que cela fini par être contre-productif. Au lieu de fédérer, cela fini par disperser. Cette notion de « contre-productivité » est un concept central dans l’œuvre d’Ivan Illich, un des penseurs critiques majeurs de la société de consommation. 
 
Je fais également partie d’une initiative unique en son genre, SocietalSystem, fruit d’un travail collaboratif s’étalant sur une cinquantaine d’année, auquel I. Illich aura entre autres participer : http://societalsystem.com/
 
Il s’agit d’un modèle de développement socio-économique « tout autre » regroupant de façon réellement systémique les tendances émergentes depuis un certain temps déjà : gouvernance participative, économie locale, circulaire, lowtech, etc. Réellement systémique dans le sens où ce système permet d’embrasser la réalité local-global en agissant sur les deux niveaux d’un seul tenant sans chercher à favoriser l’un au détriment de l’autre. 
 
Voici par exemple le site pour la région de Bruxelles : http://societalsystem.com/gya/
Incluant déjà des millions de documents modulables regroupés dans une base de données comparable à une matrice 3D à remplir avec les informations sociétales pertinentes. 
 
Je planche actuellement sur le déploiement d’un réseau de micro-boulangerie citoyenne, modèle qui peut être réplicable partout dans le monde (que ce soit sous la forme d’un réseau de micro-boulangerie, de micro-atelier vélo, menuiserie, lacto-fermentation, etc.). 
Nous cherchons justement des « petites mains » pour s’approprier et faire vivre ce projet localement.
Concrètement, outre un site web plateforme et une pétition, qu’est-ce que propose « les Petites Mains »? 
 
Bien à toi,

M.

Réponse à M.D. du 29.05.2020

Bonjour M.,

Merci pour ce long message qui me fait découvrir encore une série d’initiatives passionnantes. Il m’amène également à préciser ma pensée, ce qui est toujours une aubaine.

Comment s’organiser ensemble pour participer à la naissance d’une réalité autre sans chercher à tirer chacun la couverture de son côté ? Inscrivons la question comme base de nos échanges.

Les Petites mains ne visent pas autre chose.

Au départ, il y a ce genre constat que nous faisons tous : il y a plein d’initiatives, à quoi bon en rajouter, je ne sais trop laquelle soutenir, je retourne à mes affaires…

J’ai voulu vérifier le « plein d’initiatives ». En effet, c’est presque magique, il y a des choses qui surgissent dans tous les coins et à plein de niveau, encore plus que ce que j’imaginais. Des initiatives individuelles, des quartiers formidables, des réseaux de transition, des associations qui proposent des pistes de travail, des coalitions d’intellectuels et d’entrepreneurs… fleurissent. Aucune ne remporte assez de suffrages néanmoins : là où il est possible de signer, de témoigner, cela reste pauvre. Quid ?

Ne pas « en rajouter », certes, mais comment faire advenir. Car, s’il y a des initiatives locales et concrètes, du pain et des liens par endroit, des archipels résilients… nous subissons encore une pollution désastreuse, nous côtoyons une pauvreté honteuse, nous devons assumer un rapport esclavagiste avec les pays du sud, nous regardons s’envoler les bénéfices du travail dans les spéculations financières, nous épongeons le désarroi consécutif à la fragmentation sociale, et j’en passe.

Quelle initiative, proposition « soutenir » ? C’est de l’ensemble qu’il faut tirer l’énergie.

Il y des « momentums » qui donnent des élans d’espoir. Les mesures liées au confinement en forme un : jamais dans d’autres circonstances les gouvernements n’auraient pu même imaginer de mettre la machine économique à l’arrêt, n’auraient pu envisager des « droits-passerelles », une levée de l’obligation scolaire… Cette mise en suspend n’est-elle pas une invitation à réfléchir au retour : revient-on au même rapport au travail, au même système pédagogique, à la même vexation des chômeurs… ? Nous sommes forts de toutes ces initiatives, de ces pistes… Nous avons de quoi revoir tous ces rapports. Les « niveaux supérieurs » sont fragilisés, décrédibilisés. Plutôt que d’achever les chevaux qui menaient l’attelage pour que d’autres prennent la place, n’est-ce pas le moment de transformer le mode même de déplacement, de mettre en œuvre tout autre chose en explorant ce qui, pensé pourtant parfois de longue date, est resté invisible.

Alors peut-être, avant de « retourner à nos affaires », si on prenait le temps d’articuler, de rassembler… C’est l’idée simple des Petites mains : un temps de transition, non pas pour en rajouter mais pour mettre ensemble et rendre possible, faire converger les énergies.

Entre tous ces projets, il y a quand même une base commune : faire naître une réalité autre, dans la diversité qui la caractérise déjà, en évitant cette « contre-productivité » qui résulterait d’un programme univoque à instituer. Les Petites mains n’ont pas d’autres programmes que les propositions diverses qui s’y rassemblent. Elles espèrent créer un espace potentiel (D.W. Winnicott) à partir de tous ces « objets transitionnels » que sont ces créations associatives qui vont rêver. Peut-on y croire ?

Peut-on imaginer de prendre ce temps, un peu comme on a pris la Bastille… et puis de laisser se dérouler des « états généraux » multiformes, depuis la mise en place de microboulangeries jusqu’à l’instauration d’un revenu universel ou d’un salaire à vie, pour arriver à une « société conviviale » ?

Pour cela, SocietalSystem a l’air fort intéressant et semble (il faut que je m’y plonge un peu plus) pouvoir accueillir tous ces mouvements pour mener à une nouvelle organicité sociale. Encore une piste à explorer!

Merci encore, et au plaisir de poursuivre.

Tanguy

Message de J. du 28.05.2020

Bonjour,

Un tout grand merci pour cette initiative, quelles sont les nouvelles ?

À titre personnel je ne suis pas convaincu par les invitations à l’assembléisme citoyen, mais l’invitation à la respiration/la pause est particulièrement intéressante et subversive vu la manière dont le « déconfinement » est mené.

Nous allons en parler avec les « effondrés ardentes » au sein de Barricade, et vous pouvez envoyer les « conclusions » économiques au CADTM qui sera très heureux de recevoir des réflexions.

Au plaisir,
J.

Réponse à J. du 29.05.2020

Bonjour J.,

Merci pour votre message. Je ne sais pas en effet jusqu’où des assemblées citoyennes pourront avoir lieu dans la foulée de la proposition des Petites mains, mais j’aime bien l’idée qu’à l’avenir, à côté d’un parlement élus, des citoyens tirés au sort pourraient exprimer un avis qui décale un peu les prises de décisions, et tempère des élans suscités par le lobbyisme. Il s’agit dès lors, dans la proposition des Petites mains, de susciter des échanges entre des citoyens et des associations, et de voir jusqu’où ils peuvent aller, de faire une expérience qui pourra inspirer des nouvelles voies de participation citoyenne.

Ceci dit, la proposition de prendre du temps rejoint, il me semble, l’idée des « effondrés ardentes » dont je lis que « la particularité de ce groupe est de ne pas avoir besoin de se convaincre, mais d’échanger sur tout ce qui nous interpelle en lien avec cette thématique (de l’effondrement) – et dans certains cas d’agir ensemble. » C’est ce que j’appelle les « petites mains« . Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Je suis donc ravi que notre initiative soit discutée au sein des « effondrés ardentes » et j’espère que votre groupe viendra rejoindre les rangs des associations, coalitions, collectifs… qui soutiennent la possibilité d’un temps de transition : https://lespetitesmains.be/le-coin-des-associations/

Si nous rassemblons des conclusions économiques, nous ne manquerons pas de les transmettre au CADTM. Peut-être que, déjà, la proposition travaillée par Vivatomium pourrait les intéresser qui construit l’utopie d’un « talent vital ». Dites-moi si c’est le genre de chose qui peut être discuté au CADTM. Cela m’intéresserait de savoir si, tant la forme que le fond sont recevables pour une association qui fait un travail pointu, si un dialogue peut s’instaurer avec des citoyens amateurs mais enthousiastes. Nous essayons en tout cas d’accueillir tous les styles et pensons que dans chaque utopie se trouve en germe des idées applicables pour la suite, si nous prenons le temps de nous pencher dessus.

Aujourd’hui, étant aussi un peu danseur, je rejoins une manifestation artistique dont vous avez peut-être entendu parler (voir ci-joint).

Par ailleurs, je cherche à mobiliser des collègues psychanalystes pour participer aux Petites mains, pour écouter, traduire et transmettre les rêves et les souhaits qui flottent au-dessus de ce temps de déconfinement, pour créer un espace transitionnel (D.W. Winnicott) qui nous rapproche d’un nouveau paradigme.

Voilà pour les nouvelles.

En vous remerciant pour votre intérêt, je vous envoie des salutations amicales.

Tanguy

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